Bon.
J'ai systématiquement les chocottes avant chaque vente, que mon travail ne vous plaise pas, que vous ne soyez pas au rendez-vous, que ma « bonne fortune » se défile enfin après tant d'années de bons et loyaux services et me délaisse pour aller compter fleurette à des startupeurs plus rentables que moi. Et toujours-toujours-toujours vous parvenez à calmer d'une caresse rassurante cette grincheuse créature qu'est mon syndrome de l'imposteur.
Voilà plus de 6 ans que je reçois un soutien immense de votre part. Votre confiance, votre fidélité, votre présence est un trésor incroyable que je chéris, et qui s'impose comme le moteur de Martel & Enclume.
6 ans donc, un peu plus en comptant les prémisses de mes bidouillages aux pinces, que j'ai fait d'une passion mon métier.
6 ans que Martel & Enclume est né, que je vis de ce que mes mains créent, que je nourris ma famille grâce à mon Atelier en joyeux bordel.
6 ans que, chaque année, mon travail évolue et se peaufine. Que ma visibilité se développe, que mes revenus grossissent. Cette dernière année, j'ai eu la chance incroyable de pouvoir me verser l'équivalent d'un SMIC (un SMIC vous dis-je, vous rendez-vous compte de ce que ça représente comme achievment pour un petit artisan??!) à de très nombreuses reprises.
J'ai pu mettre un peu de sous de côté en prévision de cette maison qu'on désespère de pouvoir trouver et acheter. Nous avons même pu nous offrir de minis vacances avant la naissance de ma fille. Mais voilà, pour la première fois en 6 ans, et bien, j'ai les chocottes et je n'ai pas été rassurée.
Voilà 2 fois que mes sorties de collection font un flop, avec des ventes divisées par 10.
Je suis partie en congé maternité en février avec une échoppe en pleine forme, et je prends de plein fouet ce retour catastrophique depuis juin. Je sais que je ne suis pas la seule à en pâtir, que ce n'est pas lié directement à mon travail car nous sommes unanimes chez les tout p'tits : les temps sont très très durs, et il n'y aura pas de beurre dans les épinards des indépendants. Le soutien que nous nous offrons entre nous est précieux, mais ne remplit malheureusement pas notre frigo et pire que tout : on commence sérieusement à paniquer pour l'avenir de nos métiers.
Je sais aussi que tout le monde morfle. Surtout les plus pauvres, bien sur, comme d'hab. Que ce n'est jamais de gaieté de cœur que l'on renonce à ces rares p'tits plaisirs qui pimentent un peu le quotidien. Que l'on fait une croix sur nos vacances, sur un resto. Qu'on renonce aux framboises fraîches méga reuch ce mois-ci parce que même si c'est bon, ce n'est pas indispensable. Qu'on preférera dormir dans sa voiture sur les marchés plutôt que de pouvoir se payer un bnb ou un hôtel, et que cette histoire de s'offrir un camion pour gérer ladite saison des marchés dans le confort n'est vraiment pas envisageable. Que remplacer le frigo moribond attendra.
Je suis bien consciente que je galère parce que vous aussi vous galérez et inversement. Ce vieux vicelard de serpent préfère se mordre la queue sous notre pif plutôt que de traîner ses écailles vers les hautes sphères et nous lâcher un peu la grappe.
C'est comme ça, mais c'est effrayant. Je croise les doigts bien fort pour nous, pour vous, pour qu'on puisse retrouver un semblant de confort bien vite.
Je suis terrorisée de devoir renoncer à Martel & Enclume, je n'imagine pas un monde où je devrais retourner travailler pour des gens plus bêtes que moi, à qui je devrais donner ce que j'ai de plus précieux : mon temps. C'est inenvisageable pour moi après toutes ces années de libertés.
Alors -et je me munie de mes pires jeux de mots de bijoutière pour l'occasion-, je ne vais pas renoncer, et cette situation qui me donne tant de fils à retordre (huhuhu) ne va pas m'achever : je ne suis pas là pour enfiler des perles (huhuhuhuhu) et avec un bon gros coup de collier (huhuhuhuhuhuhu) et votre soutien je suis sûre que je peux y arriver !
Et la bonne nouvelle, c'est qu'il reste plein de merveilles à adopter sur la boutique <3 Voilà, merci infiniment de m'avoir lue, j'espère que vous allez tous bien.
Je vous souhaite de trouver le temps pour câliner une personne que vous aimez aujourd'hui, et pour manger une framboise ou de flatter votre nez en passant sous une arche lourde de glycines et de chèvrefeuilles.
Chaudoudoux sur vous, Morgane
Comments